The Adventures of Diva Rachel: Le blackface et d’autres maux franco-québécois

Je me souviens… du blackface à Brathwaite

La parodie que Normand Brathwaite a joué en blackface lors du dernier Bye-Bye à l’antenne de Radio-Canada a créé beaucoup d’émoi… Dans la plus récente tentative d’épuration des origines racistes du blackface que nous offre La Presse, le professeur de dramaturgie au Conservatoire d’art dramatique de Montréal Gilbert Turp entame son argumentaire en précisant que le mot « blackface » n’existe pas en français. Forcément, mot étranger égal culture étrangère. Après avoir ainsi établi les assises d’une logique boiteuse, Turp largue un faux débat qui traduit son ignorance générale sur la pratique qui a bel et bien sa place dans l’histoire du Québec.

Dans sa lancée révisionniste, Turp décide de rebaptiser le blackface, pratique où un acteur se beurre la face en noir pour incarner un personnage de race noire. Il invente un terme franco-québécois pour designer la pratique théâtrale qui existe au Québec depuis plus de 100 ans.

Si on suit son raisonnement, le cul-de-sac culturel québécois est imperméable aux influences étrangères: ni les mots étrangers, ni les résidus de la culture américaine ne passent.

Ben coudonc! C’est-tu une joke? Comment une personne comme M. Turp qui gagne sa vie en s’abreuvant de la culture du peuple peut-il montrer une telle ignorance face à la fluidité des tendances culturelles?

Les mots étrangers couramment utilisés au Canada-français, tels boycotter, marketing, bashing (comme dans «Québec-bashing»), font partie intégrales du lexique québécois depuis belle lurette. Certes, seuls les anglophobes endurcis refusent d’accepter que ces mots portent la même signification à l’étranger qu’au Québec.

Dans une autre tentative d’épuration, la directrice artistique du Théâtre du Rideau Vert Denise Filiatrault se défendait après l’affaire Subban/blackface 2015:

«Écoutez, ce n’était pas un blackface, a-t-elle déclaré à La Presse. […] J’ai 60 ans de carrière. J’ai été la première à engager un Noir à la télévision.»

Effectivement, Filiatrault octroie une job à un jeune Norman Brathwaite en 1979-80. « Chez Denise » est la première émission de télévision québécoise à présenter un personnage noir. Mais quels rôles Filiatrault a-t-elle confiés à son apprenti?

Dès la première saison, Brathwaite nous livre un numéro qui fait référence à la chanson fétiche du roi du blackface américain, Al Jolson. Brathwaite, fidèle aux prestations de Jolson, se peint le visage en couleur cendre, exagère grossièrement ses lèvres et porte l’uniforme classique des minstrel show. Enfin, pour adapter la vulgaire caricature Afro-Américaine au contexte québécois, Brathwaite écorche un accent haïtien (à la minute 11:20).

Cette création de Denise Filiatrault, véritable calque du blackface américain, nous confirme que la culture québécoise est bel et bien poreuse. Turp et les autres analphabètes de l’histoire du blackface Made in Quebec s’acharnent à nous le faire oublier.

«De me faire dire “vous faites des blackface”, je suis scandalisée, outrée et humiliée. En tant que directrice du Rideau Vert, je n’ai jamais fait ça, je ne ferai jamais ça de ma vie.» –Denise Filiatrault

Mme Filiatrault a-t-elle la mémoire courte? Si oui, elle n’est pas la seule.

« JE ME SOUVIENS…. DE QUOI? DE RIEN! »

Le devoir de mémoire est inscrit dans la devise du Québec lui-même. Toutefois, la Belle province ne peut évoluer en tant que société si elle s’encloître dans une mémoire sélective, encore moins dans une mémoire reconstituée. 35 ans se sont écoulés entre les deux blackfaces de Normand. Malgré de nombreuses tentatives menées par des révisionnistes chevronnés, les faits les trahissent. Comme nous l’a démontré Filiatraut en 1980, pour ne nommer que celle-ci, le blackface s’est greffé au contexte québécois. Il est grand temps que les Thomas incrédules assument cette réalité pour enfin abolir cette pratique dévolue.

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The Adventures of Diva Rachel: Stacey Dash’s Little Black Lies: When Blacks Agree with Bigots

Alternate title : Stacey Dash — Human Shield of House Negro ?

It’s painful to watch someone pimp themselves out for a paycheque. But Black people do it every day. Why? To “go along to get a long”, to make colleagues comfortable, to insure the few strands of opportunities that may come their way despite an unlevel playing field aren’t rubbed out.

This week, Stacey Dash traded her values for a check when she turned her back on the African-American owned media outlets which supported her career, and their audiences. The once still ‘Clueless’ actress-turned-Fox News commentator called for the elimination of Black History Month, the BET Awards and other venues to highlight talent which is otherwise eclipsed by the ubiquity of whiteness (see #OscarsSoWhite controversy 1.0 and 2.0). Too many bigots–blissfully unaware of the trick compensated ruse–salivate on Dash’s diatribe, wielding it like a weapon to uphold white supremacy.

The ruse has been employed for decades, and not just in the U.S. Banking on vulnerable people to lie to save their skin is one thing. To use these misguided statements, possibly offered under duress, as a catalyst for further marginalization of racialized groups is cruel. This tactic has often worked well for the establishment.

In the mid-1950s, Dresden, Ont. was like many segregated Canadian towns. Black and white residents led separate social lives. Restaurants, barbershops and even churches banned African Canadians from entering. Many merchants refused to serve people of colour.

When Black residents challenged the long-standing segregationist climate in a Dresden court room, the media descended on the south-western Ontario town to survey the racial row. To gage the sentiment of the townsfolk, they interviewed local residents. Curiously, the black resident this journalist interrogated was the area’s token sole Black police officer. When asked about the race-based discrimination enforced by the City (and, implicitly, his employer), the smiling policeman stated “there was no discrimination here”.

Were (white) journalists enlightened enough to decipher the white lie a Black employee uttered to comfort his Caucasian coworkers and keep his coveted job? None of the period articles I found were conclusive. However, it is entirely plausible that local bigots used this coerced headline to justify the racist status quo.

The same sad scenario has repeated itself in Quebec this week. CBC TV producer and Quebecois celebrity Louis Morissette took to his wife’s magazine, the public broadcaster’s airwaves and La Presse newspaper to share his artistic sorrow: his bosses forbid him from using blackface during Radio-Canada’s annual New Years’ Eve TV comedy special. Even worse, Morissette was – gasp! – forced to hire a Black actor to play a Black character on TV.

Blackface, a longstanding practice by which a white actor tars his face to play a black character, is back in style in Quebec. (Some say it never went out of style.)

Two afro-quebeckers vehemently and publicly defend blackface in French-speaking Canada: African immigrant-turned-CBC comedian Boucar Diouf and perennial token-black-character Normand Brathwaite, who notably got his career started by playing to Haitian immigrant stereotypes — much to the Québécois audience’s delight.

“This is not blackface,” Normand Brathwaite said. “I’d be pretty pissed off if someone imitated me in a year-end show and didn’t paint himself black, because I’m very proud of the colour of my skin.”

The Brathwaite-Diouf duo are often dragged to Quebec TV, radio and print to prop up bigot blackface-disciples, with a clear aim at silencing the vast majority of the black community which is offended by the practice. Brathwaite and Diouf work for the very Québec-based broadcasters and producers who repeatedly rely on blackface for comic relief. No one has questioned the dynamics by which Brathwaite and Diouf defend their masters remain in the good graces of Quebec’s white-dominated star système clique.

HUMAN SHIELDS or HOUSE NEGROS?
It’s a false binary. Journalists pull the strings of public sentiment by selecting biased spokespersons. The Stacy Dash’s of Quebec say what their employers want to hear. They’ve convinced many uninformed purelaine Quebeckers that blackface is no longer considered racist with their post-racial paradise. Regardless, the responsibility to present analysis of a racially-charged controversy isn’t on Stacy Dash or the Brathwaite-Diouf duo. It behooves competent journalists forgo editorial fools’ gold.

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The Adventures of Diva Rachel: La langue de bois d’ébène: anatomie du mot ‘nègre’ en français

Le maire de Saguenay, Jean Tremblay, s’est livré à des propos navrants   une fois de plus cette semaine.   Mis à part sa lutte « contre Greenpeace et les intellectuels », le maire Tremblay a parlé des travailleurs de sa région:  

« Il y a des gens qui travaillent comme des nègres.  

Parce qu’un Noir, ça travaille fort, on le sait. Ils ont pas des gros salaires, pis ils travaillent fort ces gens-là. C’est dans ce sens-là que je veux le dire. Pis ces gens-là, ça fait pitié. Ils donnent leur vie au salaire minimum. Ils ont de la misère à boucler. »
~Le maire de Saguenay, Jean Tremblay

Ayoye.

La langue française que nous chérissons tous est bourrée d’expressions qui découlent de l’histoire peu reluisante des interactions entre le colon français et les peuples à peau basanée. 

Le mot « nègre » dérive de « negro » (portugais et espagnol). À l’origine descriptif, le terme ibérique  change de connotation en français pour désigner une population inférieure (et pendant 400 ans, en partie, condamnée à l’esclavage en Amérique, incluant le Québec).  L’emploi du mot nègre en tant que substantif – un nègre – apparaît vers la fin du 17e siècle.  Le caractère péjoratif du mot «  nègre  » dans la langue française s’est instauré depuis la mise en place du système esclavagiste dans les colonies françaises. 

Extrait du Dictionaire critique de la langue française (Marseille, Mossy 1787-1788)  

NÈGRE, ESSE, s. m. et f. NÈGRERIE, s. f.  On apèle Mores les Peuples de l’Afrique du côté de la Méditerranée: et Nègres, ceux qui sont du côté de l’Océan, et surtout, ceux qu’on transporte dans les Colonies Européennes, et qui y servent comme esclâves. 
Nègrerie, lieu où l’on enferme les Nègres, dont on fait comerce.  

Dictionnaire de L’Académie française (1832-5)

   Fam., Traiter quelqu’un comme un nègre, Le traiter avec beaucoup de dureté et de mépris.
Fam., Faire travailler quelqu’un comme un nègre, Exiger de lui un travail pénible, le faire travailler sans relâche.

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Caricature d’Alexandre Dumas par Cham, 1858.

Quand Alexandre Dumas (1802-1870), écrivain français de renom, se fait rabaisser par ses ennemis et des jaloux, ceux-ci font de lui une caricature négrophobe, ou se lancent dans une dissertation sur les « nègres ».

-Mais au fait, mon cher maître, vous devez vous y connaître, en nègres, avec tout ce sang noir qui coule dans vos veines.
Dumas rétorque alors, sans avoir à élever la voix au milieu d’un profond silence du salon dévoré d’anxiété:  
-Mais très certainement. Mon père était un mulâtre, mon grand-père était un nègre et mon arrière grand-père un singe. Vous voyez, Monsieur: ma famille commence où la vôtre finit.

Un siècle plus tard, le sens négatif du mot demeure.   

Selon Montpetit, un Québécois en visite en Ontario vers la fin du 19e siècle, « Le nègre est singulièrement gai, et il oublie dans un éclat de rire facilement provoqué l’impression passagère qu’il a pu ressentir en pensant au rang inférieur qu’il occupe dans le monde. Mais l’infériorité évidente de l’homme noir de l’occupe pas beaucoup. »

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Source: Noirs du Québec (Les), 1629-1900.Daniel Gay. (2004)

Dans Terre d’ébène, Albert Londres raconte son périple en Afrique “française” de 1927:    

“Ce sont les nègres des nègres. Les maîtres n’ont plus le droit de les vendre. Ils les échangent. Surtout, ils leur font faire des fils. L’esclave ne s’achète plus, il se reproduit. C’est la couveuse à domicile.”  

C’est la déshumanisation progressive de l’Africain au fur et à mesure que la traite s’intensifiait qui a banalisé le substantif nègre, lequel est devenu synonyme d’esclave. Les historiens français parlent de traite négrière et non pas de trafic des Africains. D’où l’expression « travailler comme un nègre ». 

Cela signifie  travailler sans salaire, sous les coups de fouet, sans respect de la personne humaine.  

La locution qu’a laissée échapper le Maire Jean Tremblay fait partie des reliquats de moeurs  négrophobes qui ont persisté longtemps après l’abolition de l’esclavage…  des  rites désuets qui perdurent dans notre culture, nos écrits, et nos dires

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Charlie Hebdo, années 1980.

Dans une société plurielle et cultivée qu’est le Québec moderne, il serait préférable de dire  « travailler très fort, travailler dur; travailler à sueur de front ». 

Autres tournures à raturer: 

« Parler petit nègre ».  Le “petit nègre” est défini comme un français incorrect, sommaire ou rudimentaire parlé par les indigènes des anciennes colonies françaises. Dans un contexte ou les colons ont imposé leur langue à des peuples mélanodermes qui, souvent, n’avaient pas droit à l’éducation dans la langue étrangère, on ne s’étonne pas que ceux-ci baragouinaient le français.  L’expression fait l’amalgame entre la race et l’impuissance linguistique, du quel relève la connotation raciste. 

Le « nègre littéraire » désigne un écrivain qui écrit pour le compte d’un autre.  La façon plus élégante de se référer à ce role: collaborateur littéraire,  ou écrivain fantôme (calque de l’anglais “ghost writer”).  

Y faut que ça change

Comme l’a dit l’écrivain Claude Ribbe,  au XXIe siècle, il est plus que temps de faire entrer dans la tête des amants de la langue française que le mot « nègre » ne peut plus, en aucun cas, être utilisé impunément pour désigner un être humain qu’on exploite d’une manière ou d’une autre et qui serait méprisé du fait de cette exploitation. En cetee décennie que l’ONU consacre aux personnes d’ascendance africaine, il est grand temps que l’on parle tous la langue du progrès.

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The Adventures of Diva Rachel: Le choix de la Diva s’arrête sur Gérard Kennedy : candidat pour Premier Ministre de l’Ontario

Comme prochain premier ministre de l’Ontario, je choisis Gérard Kennedy. La course la chefferie du Parti libéral de l’Ontario dispose d’un excellent ventail de candidats. Gérard Kennedy a une passion pour l’inclusion de tous les ontariens, quel que soit leur identité socioculturelle ou linguistique. Pour moi, Gérard est le candidat

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